« Adjacence industrielle ». Ce terme n’existe pas encore en langage économique. Mais il pourrait rapidement devenir une tendance lourde dans l’industrie française. Par adjacence industrielle, on désigne une nouvelle forme de coopération entre deux acteurs industriels de premier rang, a priori sans lien direct, dans laquelle l’un, en sous-charge, ouvre son outil de production à un autre, en situation de surchauffe. Cette idée part d’un constat pragmatique : l’industrie connaît des révolutions de plus en plus rapides et brutales, mais faire évoluer son appareil de production reste un processus long. Percutée par les avancées technologiques ou les changements rapides du marché, une ligne de fabrication peut rapidement se retrouver sous utilisée tandis qu’une autre est soudain soumise à une montée en charge accélérée pour répondre à l’envolée de la demande.
Pourquoi l’adjacence industrielle est-elle une opportunité pour l’industrie française ?
Ce phénomène s’inscrit dans un contexte où la « désindustrialisation » ne signifie pas une érosion uniforme du tissu productif, mais plutôt un déséquilibre croissant. Nous constatons un creusement des écarts entre d’un côté des industriels majeurs en sous capacité – menacées de fermeture – et de l’autre des secteurs – notamment la défense mais aussi l’agroalimentaire et le nucléaire – où les besoins ne cessent d’augmenter. L’adjacence industrielle consiste donc à faire en sorte que les premiers puissent mettre leur outil de production au service des seconds. Une stratégie « gagnant-gagnant » pour les deux parties : à ceux qui sont en difficulté elle offre la possibilité d’amortir des infrastructures et maintenir l’emploi, les compétences. À ceux qui croulent sous les carnets de commande elle permet de bénéficier rapidement de moyens de production, de compétences externalisées et d’expertises éprouvées, tout en restant en France. Au passage, cela limite la construction de nouveaux sites industriels et le démantèlement de sites à l’abandon, ce qui favorise une logique circulaire et plus durable.
Exemple concret d’adjacence industrielle
Les exemples d’adjacence industrielle pourraient bientôt se multiplier. L’un des cas récents emblématique est celui du groupe allemand Rheinmetall qui prévoit de réorienter deux de ses usines automobiles situées à Berlin et Neuss vers la production d’équipements de défense, tout en maintenant partiellement les activités automobiles. En France, plusieurs initiatives commencent également à fleurir et la réflexion est déjà engagée chez certains industriels.
Un levier pour relancer l’industrie française
Réussir cette adjacence nécessite quelques préalables fondamentaux. Les deux entreprises partenaires doivent tout d’abord partager un socle de valeurs et des enjeux communs. En outre, cela demande un changement de culture et d’état d’esprit profond chez l’industriel appelé à réorienter son activité, car il lui faut passer d’un rôle où il fabrique pour lui-même à celui de fournisseur pour un tiers. De même, il doit être en capacité d’apprendre rapidement à fabriquer des produits répondant à d’autres normes, exigences ou certifications. Se posent enfin les questions de propriété intellectuelle et de confidentialité.
Même si cette transition n’est pas simple à opérer, de nombreux acteurs pourraient envisager une telle solution. À l’heure où l’industrie française est sous tension mais où des opportunités uniques de croissance se présentent à elle, notamment dans la défense, l’adjacence industrielle mérite une place dans les discussions.