Les mutations industrielles s’accélèrent, sous l’impulsion de défis géopolitiques et environnementaux, mettant les entreprises françaises devant une équation complexe : comment allier compétitivité industrielle, innovation, et transition énergétique ? À cette question cruciale, Avencore, cabinet de conseil spécialisé dans l’industrie, apporte des réponses concrètes.
Informations Entreprise : Les programmes de soutien à l’industrie française se succèdent, ont-ils permis d’améliorer la compétitivité des entreprises ?
Maxime Bremond (Partner d’Avencore) : Ces derniers mois, nous observons chez tous nos clients une tendance forte : une accélération généralisée ! Cette tendance est la conséquence des incertitudes et tensions géopolitiques, environnementales ou économiques. Pour y faire face, les industriels doivent accélérer leur cadence de production, leur recherche de compétitivité, leur décarbonation ou encore leur acquisition de compétences !
Dans la défense ou les nouvelles énergies par exemple, produire plus et plus vite est devenu une nécessité. Cette accélération est tellement forte qu’elle perturbe profondément les Supply Chain.
Mais produire plus ne peut pas se faire à n’importe quel coût, surtout dans un contexte où la compétition sur les prix et valeurs est toujours plus dure, y compris avec des nouveaux acteurs qui n’existaient pas jusqu’à récemment (comme dans le new space). Même des secteurs qui y étaient peu habitués doivent se mettre à travailler la productivité. Dans le nucléaire par exemple, parler de productivité n’est plus un tabou et la course à la performance concerne toutes les fonctions et tous les niveaux !
Cette accélération doit aussi couvrir les actions de décarbonation des produits et processus. Et bien sûr le recrutement doit suivre le rythme, que ce soit pour les métiers classiquement tendus mais aussi les nouvelles compétences (IA, data science, cyber…).
Dans ce contexte, les programmes de soutien de l’État comme France Relance ou France 2030 font partie des outils activés par les industriels et ont permis de remettre la compétitivité au centre des préoccupations. Nous sommes convaincus qu’il existe encore des réservoirs de performance pour les organisations qui acceptent de se transformer plutôt que de développer une résilience passive, plus dangereuse et coûteuse à long terme.
Informations Entreprise : Le Covid-19 a mis sur le devant de la scène les risques liés aux Supply Chain et à la gestion des chaines d’approvisionnement. Quelles sont encore les pistes d’optimisation pour les industriels 4 ans après la crise ?
Matthieu Maudelonde (Partner d’Avencore) : Les crises sanitaires et géopolitiques ont conduit nos clients à repenser radicalement la gestion de leur chaîne d’approvisionnement. Là où la compétitivité pouvait se résumer à de la délocalisation vers les « pays à bas coûts », les évènements récents ont révélé la vulnérabilité de ces modèles.
Nos clients se tournent désormais vers des alternatives plus robustes et plus long terme, explorant l’automatisation et la diversification des sources d’approvisionnement, y compris le retour à des fournisseurs européens, pour réduire les coûts logistiques et l’empreinte carbone. Cette réorientation, loin d’être une réaction éphémère, s’inscrit dans une stratégie durable face à des chaînes d’approvisionnement tendues presque en permanence.
La relation client-fournisseur évolue également, passant d’une logique transactionnelle à une collaboration étroite où le terme ‘partenaire’ remplace désormais ‘fournisseur’, illustrant une quête de transparence et de co-construction.
Cette mutation, particulièrement visible dans le secteur nucléaire où un effort a été mené pour donner à l’ensemble de la filière plus de visibilité sur les commandes, témoigne d’une nouvelle ère de partenariat stratégique et de recherche de souveraineté industrielle.
Informations Entreprise : Parler de compétitivité, c’est parler de performance et d’excellence opérationnelle. Comment Avencore accompagne-t-elle les entreprises ?
Maxime Bremond : Notre cabinet, spécialisé exclusivement dans l’industrie, repose sur une équipe de passionnés et sur une expertise multi-secteurs. Nos consultants savent plonger, quand il le faut, dans le détail des produits, systèmes et organisations industriels complexes pour proposer des solutions pragmatiques et acceptées à tous les niveaux de l’entreprise. Nous intervenons depuis le cadrage des orientations stratégiques avec les dirigeants jusqu’à la déclinaison en réalités concrètes sur le terrain, auprès des opérationnels.
Pour une amélioration durable de la performance, le secret est bien souvent de casser les silos entre les équipes et chercher l’adhésion de tous au projet. Par exemple lors d’une de nos missions, c’est la collaboration étroite entre les équipes d’ingénierie, d’achat et de production qui a permis de remettre en cause le statu quo et de réduire de 15% le coût de fabrication d’équipement critique dans l’hydrogène.
Informations Entreprise : Quel est le rôle des nouvelles technologies dans l’amélioration de la compétitivité ? Quels sont les écueils à éviter en matière de digitalisation de l’industrie ?
Matthieu Maudelonde : L’Intelligence Artificielle (IA) et l’analyse de données volumineuses sont des leviers puissants pour les industriels qui parviennent à les activer. Dans le cadre de notre partenariat avec NETVIBES, la marque de Data Science de Dassault Systèmes, nous proposons à nos clients des outils avancés pour l’analyse de données techniques et économiques, fusionnant informations issues des ERP et modélisations 3D pour identifier des opportunités d’optimisation coût et performance.
Un exemple concret de cette approche a été notre collaboration avec un fabricant autrichien de moteurs pour véhicules récréatifs, pour lequel nous avons généré d’importants gains en ayant recours à une solution qui analyse l’ensemble des dépenses adossées à des données techniques. Pour une autre société d’électroménager, l’IA nous a assisté dans l’écoconception d’un produit et nous a aidé à arbitrer entre différents impacts environnementaux. L’adoption de jumeaux numériques représente également une révolution, permettant de simuler et tester différentes configurations de production ou de produits. Ces innovations s’inscrivent dans la continuité de l’industrie 4.0, marquant une ère de développement et de conception renouvelée.
La difficulté principale à l’adoption de ces technologies relève souvent du facteur humain : il est nécessaire de convaincre le top management et d’accompagner les équipes opérationnelles.
Informations Entreprise : La décarbonation de l’industrie est un enjeu clé et très visible, c’est même une nécessité. Quelle est votre approche ?
Maxime Bremond : Notre action pour accélérer la décarbonation de l’industrie s’articule autour de plusieurs axes. Premièrement, industrialiser les technologies de décarbonation : nous accompagnons les industriels du nucléaire, de l’hydrogène, ainsi que des énergies renouvelables, à passer de technologies peu matures à des produits industrialisés et prêts pour la production à grande échelle. Cette démarche vise à transformer des innovations prometteuses en solutions industrielles viables, essentielles pour la réduction des émissions de carbone à l’échelle globale.
Ensuite, notre offre concernant la « compétitivité environnementale » s’attaque à la décarbonation des produits et processus de nos clients en optimisant les coûts en même temps que l’empreinte carbone. Cela implique une révision approfondie des choix de conception, des matériaux utilisés, et des processus logistiques, orientant la compétitivité vers une innovation durable.
Enfin, nous adressons le défi du ‘scope 3’ en aidant nos clients à optimiser leurs chaînes d’approvisionnement et à engager leurs fournisseurs dans des pratiques éco-responsables, réduisant ainsi les émissions indirectes.
Informations Entreprise : Face aux défis de recrutement, quelles sont les solutions pour attirer et retenir les talents ?
Matthieu Maudelonde : Il existe plusieurs leviers pour pallier le manque de talents. Tout d’abord, communiquer plus fortement sur les atouts de l’industrie. C’est un secteur qui connait depuis plusieurs années une période intense de transformations, très excitante et pleine de défis. Travailler dans l’industrie c’est toucher de près des sujets qui attirent les jeunes ingénieurs, comme la décarbonation, la relocalisation, l’IA. Aujourd’hui, l’industrie c’est sexy et il faut le faire savoir !
Les industriels doivent en parallèle simplifier et alléger leurs organisations en éliminant certains niveaux hiérarchiques pour s’adapter à la raréfaction ressources. On peut d’ailleurs parier que cela accélérera les processus et améliorera la responsabilisation et donc la motivation des salariés.
La formation continue est bien sûr un pilier clé de l’attractivité mais aussi de la pérennité des entreprises puisqu’il s’agit d’anticiper les mutations technologiques, les nouveaux métiers et les compétences nécessaires demain.
Enfin, les industriels vont devoir ouvrir plus largement leurs portes et faire l’effort d’intégrer des professionnels issus d’autres secteurs, même très éloignés. Les ingénieurs d’aujourd’hui ne veulent plus travailler 30 ans dans une entreprise ni même dans un secteur unique. En recrutant dans le secteur bancaire ou dans la mode par exemple, les industriels pourraient bénéficier de nouvelles idées et d’un nouveau regard sur leurs pratiques.
Dans Informations Entreprise en avril 2024