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Entreprise étendue - Arts&Métiers Mag

«Le concept d’entreprise étendue progresse»

 

Maxime Bremond (An. 205) est manager chez AVENCORE, société de conseil spécialisée dans l’amélioration de la compétitivité industrielle, alliant la réduction des coûts à l’innovation du produit. Depuis des années, il accompagne les sous-traitants dans leur transformation. Il témoigne ici des leviers qu’ils peuvent actionner pour rester compétitifs.

AMMag – Qu’est-ce qui caractérise un bon sous-traitant ?

Maxime Bremond – Qualité, coûts, délais sont les premiers critères qui viennent à l’esprit quand on évalue la performance d’un sous-traitant. On peut y ajouter le couple réactivité-proximité en cas de problème. Au-delà, un bon sous-traitant est celui qui apporte un service différenciant à son donneur d’ordres. C’est là que se développe une relation de confiance et d’intérêt mutuel. Deux types de sous-traitants apportent des valeurs ajoutées complémentaires : ceux à qui on sous-traite en build-to-print [fabrication d’après un plan du client, NDLR] joueront le rôle de purs manufacturiers ; ceux à qui on sous-traite en build-to-spec [conception d’après les spécifications du client] comblent une expertise que le donneur d’ordres n’a pas forcément. Dans les deux cas, le sous-traitant peut aller au-delà de la simple bonne exécution d’une tâche et être force de proposition.

AMMag – Les donneurs d’ordres recherchent toujours plus de compétitivité, effort qu’ils reportent sur leurs sous- traitants. Comment ces derniers peuvent-ils répondre à cette demande ?

MB. – Les sous-traitants eux-mêmes deviennent plus proactifs et cherchent à réduire leurs propres coûts. Il nous est fréquemment arrivé de travailler avec des sous-traitants devenus nos clients après une mission avec leur donneur d’ordres. Selon leur typologie, les sous-traitants disposent de différents leviers pour améliorer leur compétitivité. Les sous-traitants en build-to-print se focaliseront sur l’industrialisation et l’optimisation de leur production. Ils pourront, par exemple, rechercher la performance de leur parc machines, débusquer les temps morts ou évaluer leur niveau de non-qualité qui pèse sur la compétitivité, en particulier dans les industries à haut niveau d’exigence. Les sous-traitants en build-to-spec bénéficient non seulement de ces axes «manufacturing», mais activeront également l’ensemble des leviers offerts par l’approche «conception à coût objectifs» — amélioration des spécifications du donneur d’ordres pour converger vers le besoin fonctionnel optimal, atelier de créativité pour trouver les architectures ou choix de conception les plus compétitifs. Il existe toujours des marges d’amélioration. Et intégrer l’économique aux développements permet de catalyser la créativité et l’innovation.

AMMag – La numérisation est-elle une opportunité pour les sous-traitants ?

MB. – La numérisation est davantage un moyen qu’une fin en soi et représente un levier de compétitivité supplémentaire. Elle permet de réduire les coûts sur l’ensemble de la chaîne : depuis la conception des produits et processus, en passant par les coûts récurrents de fabrication et de contrôle, jusqu’aux coûts de maintenance. Elle permet également d’améliorer de manière notable le «time-to-market» [le délai de mise sur le marché] des clients finals.

AMMag – Pouvez-vous donner des exemples d’applications vues chez vos clients ?

MB. – Chaque client a besoin d’une réponse personnalisée, mais on peut citer trois illustrations, depuis la conception jusqu’à la maintenance en passant par la production. Lors de la conception de ligne, certains de nos clients utilisent des solutions de virtualisation pour simuler leur fonctionnement et optimiser implantation et organisation des postes. La virtualisation peut être égale- ment intéressante pour concevoir des systèmes assemblés. Chez Bombardier [construction de matériels de transport — trains, avions…], par exemple, la réalité augmentée et l’immersion 3D permettent d’éviter les collisions de pièces lors du montage physique. En production, nos clients intègrent de plus en plus des objets connectés pour piloter leurs activités : des puces RFID accolées aux produits en production ou sur les outillages permettent de suivre, par exemple, leurs positions dans le flux et facilitent la gestion des stocks. Enfin, la numérisation et le “big data” favorisent également l’allégement des coûts grâce à la maintenance prédictive. Mais, à l’heure actuelle, peu de sous-traitants ont déjà atteint ce niveau de «maturité numérique». Pour rester compétitifs, les sous-traitants cherchent à réduire les coûts sans sacrifier la qualité.

AMMag – À l’avenir, quelle sera la nature des relations entre fournisseurs et donneurs d’ordres ?

MB. – La relation entre sous-traitants et donneurs d’ordres diffère d’un secteur à l’autre, mais on constate, en effet, que les grands donneurs d’ordres s’appuient de plus en plus fortement sur un réseau de sous-traitants partenaires dont ils dépendent. En aéronautique ou en spatial, par exemple, certaines expertises indispensables sont détenues par les sous-traitants. De véritables filières se créent. C’est d’ailleurs le concept de l’entreprise étendue que cherchent à mettre en œuvre nombre de nos clients. La notion de donneur d’ordres tend à disparaître au profit de l’entreprise pilote qui s’associe à un réseau de partenaires, sous-traitants et experts. En pratique, l’entreprise étendue est une volonté de nombreux groupes mais peu l’ont véritablement déployée.

AMMag – L’industrie du futur nécessite des adaptations. Les sous-traitants en France en ont-ils les moyens ?

MB. – Il ne s’agit pas de tout révolutionner, chaque industrie a ses besoins propres et une progression différente. D’où l’importance d’évaluer précisément la situation de départ et le besoin de chacun. Pour soutenir d’éventuels investissements, BPI France [banque publique d’investissement] est d’une aide précieuse et souvent méconnue des sous-traitants. L’enveloppe totale des prêts «usine du futur» est de 1,2 milliard d’euros. En cumulant les prêts, le financement peut aller jusqu’à 15 millions d’euros pour une même entreprise, et contribuer ainsi à des projets d’amélioration de la compétitivité s’élevant à 30 millions d’euros. Chez AVENCORE, nous avons eu l’occasion d’évaluer certains dossiers pour le compte de BPI France.

AMMag – Les sous-traitants doivent-ils craindre cette évolution ?

MB. – Au contraire, c’est l’occasion pour eux de monter en gamme. Privilégier le mode collaboratif, tout en protégeant sa propriété industrielle, permet aux sous-traitants de passer de simples «exécutants» à véritables partenaires sur le long terme.

Propos recueillis par Djamel Khamès

 

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