Le contexte économique en France peut paraitre effrayant : volatilité des prix des matières premières, de l’énergie et des transports ; pénurie de ressources humaines à tous les niveaux ; longueur d’avance prise par certains pays sur la transition verte. Pourtant, il existe encore des réservoirs de performance et de compétitivité qui bénéficieront aux entreprises industrielles qui acceptent de se transformer plutôt que de développer une résilience passive, plus dangereuse et coûteuse à long terme.
L’IA et des relations client-fournisseur durables pour faire la différence
L’hyper-inflation que l’on a connue a poussé les acteurs les plus réactifs à se doter de nouveaux outils, basés largement sur l’intelligence artificielle, qui permettent de vérifier et prévoir l’impact des hausses des prix des matières ou de l’énergie. Un industriel peut désormais faire le tri parmi les hausses de prix réclamées par ses fournisseurs entre celles légitimées par une réelle augmentation des coûts, et celles qui relèvent de l’effet d’aubaine.
Ensuite, la tension sur l’approvisionnement pour certains biens industriels (les composants électroniques notamment) contribue à transformer la relation client-fournisseur. Depuis longtemps, les donneurs d’ordre ont compris la nécessité de dialoguer avec leurs fournisseurs, bien au-delà de la simple négociation. À la faveur des difficultés récentes, cette tendance s’amplifie et le dialogue se mue en co-construction de nouvelles solutions techniques, industrielles et commerciales. Certains acteurs de la filière des biens d’équipements domestiques ont ainsi entrepris d’identifier avec leurs fournisseurs les thèmes à travailler (prévisions plus robustes, optimisation des tailles de lots de commandes…) pour dégager des marges capacitaires.
Des Supply Chain réinventées et des organisations allégées
Les besoins prévisionnels gigantesques de certains secteurs émergents (la transition énergétique, la voiture électrique, …) forcent les industriels à aller chercher des fournisseurs au-delà de leur vivier habituel. Il ne s’agit pas là d’une extension géographique mais d’une recherche de diversité sectorielle. Par exemple, les plus gros acteurs de l’oil&gas réalisent que leurs fournisseurs habituels n’auront ni les capacités industrielles, ni parfois les compétences technologiques pour répondre à leurs besoins croissants. Ils interrogent donc des spécialistes d’autres marchés, avec des logiques industrielles et des référentiels de coût différents. Ces glissements sectoriels vont améliorer significativement la productivité.
Enfin, la pénurie de ressources humaines est déjà aux portes des industriels (depuis les soudeurs pour les centrales nucléaires jusqu’aux ingénieurs très qualifiés recrutés par les entreprises allemandes ou américaines). Les entreprises vont devoir revoir leurs schémas organisationnels : viser la simplicité en éliminant certains niveaux hiérarchiques pour s’adapter à raréfaction de la force de travail. Il y aura bien sûr un effet direct sur les coûts (sans compromis sur l’efficacité des organisations) ainsi que des gains indirects allant de l’accélération des processus à la motivation des salariés.
De nouveaux territoires à explorer : nomadisme sectoriel et pression environnementale
De plus en plus systématiquement, les industriels souhaitent un exercice de comparaison « hors secteur ». Cela dénote une prise de conscience : les solutions qu’ils recherchent fonctionnent peut-être déjà dans des secteurs auxquels ils ne se comparent habituellement pas. Ce « nomadisme sectoriel » accélère la créativité et révèle aux plus agiles que leur offre peut en cacher une autre ! C’est vrai pour les nombreux services qui peuvent être développés autour d’un bien physique : monitoring, maintenance, recyclage… Dans certains cas, cela va jusqu’à vendre l’usage et non plus la possession. Les acteurs aéronautiques doivent ainsi plus que jamais intégrer, dès la conception de nouveaux produits, les contraintes et coûts de maintien en condition opérationnelle, qui feront leur rentabilité des années à venir.
Enfin et surtout, la compétitivité des industriels est traversée par une lame de fond : la pression environnementale qui pousse tous les dirigeants à mesurer, puis s’engager à réduire l’empreinte environnementale de leur organisation. Les secteurs supposément moins réceptifs à cette injonction ne font pas exception : même les industriels de la défense cherchent à réduire leurs émissions. L’argument « polluer moins » devient un avantage compétitif réel. Les clients et investisseurs vont vite le faire comprendre aux entreprises qui penseraient que ce sujet n’est pas le leur… Or les techniques et outils connus pour travailler la compétitivité coût sont déjà efficacement transposables à la compétitivité environnementale.
Faire mieux que ses concurrents ne suffit plus : pour être compétitive, une entreprise doit aussi l’être aux yeux de ses clients. Il ne s’agit pas uniquement d’être le meilleur, encore faut-il être au niveau attendu par le marché. Et de nouveaux territoires de compétitivité sont apparus sur ce marché !
Auteur : Maxime Bremond